La très longue grève à la polyclinique privée de Tarbes s’achève par un succès pour le personnel : le puissant groupe MédiPôle Partenaires a dû faire des concessions sur les salaires et les conditions de travail. Un conflit qui fera date.
« Il y a des larmes qui font plaisir », confie un salarié. Embrassades, applaudissements de plusieurs minutes. Toute la salle est debout, euphorique. Les salariés en grève de la polyclinique de l’Ormeau, à Tarbes, viennent de faire plier le puissant groupe MédiPôle Partenaires, propriétaire de l’établissement. A l’unanimité des 130 présents, l’assemblée générale a, hier matin, approuvé le protocole de fin de conflit. Et a donc mis un terme à la plus longue grève jamais effectuée en France dans une clinique privée : 64 jours.
Dès le début de l’assemblée générale, Laurence Charroy, déléguée CGT à la polyclinique, prévient ses camarades : « Aujourd’hui, nous avons une grande responsabilité. » La veille, les grévistes avaient refusé de cesser le mouvement, jugeant les concessions de la direction insuffisantes. Mais lundi soir, de nouveaux échanges entre la CGT et les représentants de MédiPôle ont fait sauter les trois derniers points de blocage. Et hier matin, l’assemblée générale a pu examiner la nouvelle mouture du protocole de fin de conflit. Une sixième version ! La direction accepte en fin de compte d’octroyer une prime annuelle pérenne de 700 euros brut.
Elle ne sera pas rétroactive mais, pour cette année, versée dès le mois de janvier et au premier trimestre des années suivantes. Surtout, elle s’appliquera aux nouveaux embauchés et les salariés à temps partiel percevront la même prime que leurs collègues travaillant à temps complet. Les agents de service hospitaliers (ASH) obtiennent d’être considérés « acteurs de la vie quotidienne du service ». En d’autres termes, il est reconnu à ces personnels non soignants qu’ils participent à la prise en charge des patients. Troisième blocage levé : les infirmières et aides-soignantes ne seront plus affectées dans différents services selon le bon vouloir de la direction, mais dans le service qu’elles auront choisi. « Tous ensemble ! Solidarité ! » L’assemblée générale exulte après le vote donnant une issue positive au conflit. Une Internationale s’élève dans la salle. Du côté de leurs soutiens politiques aussi, c’est la satisfaction.
Pour la responsable communiste et élue tarbaise Marie-Pierre Vieu, coauteure d’une lettre ouverte à la ministre de la Santé en soutien aux personnels de la clinique, c’est la preuve que « la lutte paye même face à un colosse de l’hospitalisation privée ». « Une page de notre vie vient de s’écrire, s’exclame Laurence Charroy. Nous avons mis à genoux le groupe MédiPôle. Notre employeur ne pourra plus jamais se comporter de la même manière. Préservons ce que ,nous avons conquis de plus cher : la solidarité entre salariés. »
Au cours de ce long conflit, la direction n’a rien cédé sur la valorisation du point d’indice, mais elle a lâché une revalorisation annuelle garantie, passant de 5,7 % à 8,33 %. De plus, le rapport de forces n’est plus le même dans l’établissement et peut-être aussi dans l’ensemble du groupe. Ce conflit a révélé d’autre part l’inertie des pouvoirs publics, du ministère de la Santé en particulier (lire l’entretien ci-dessous). « Le conflit aurait été moins long si les pouvoirs publics étaient intervenus plus tôt, analyse Laurence Charroy. Ceux-ci ont permis à un groupe privé d’occuper une telle place qu’ils se sont retrouvés en position d’infériorité. Et quelle volonté d’intervenir avaient-ils ?
L’intervention de Matignon a été obtenue par notre rapport de forces. » Ce long conflit a été traité à un très haut niveau le directeur de cabinet du premier ministre , même s’il a fallu presque deux mois pour en arriver là. Des négociations ont eu lieu à l’hôtel Matignon, avec Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, et Philippe Gravier, PDG de MédiPôle, qui n’a pu cette fois esquiver les revendications des grévistes. Autre enseignement : les conditions de travail dégradées et les salaires squelettiques n’apparaissent plus ici comme une fatalité. Les salariés de l’Ormeau avaient prévu de fêter hier soir leur victoire dans une salle prêtée par la mairie de Séméac, en banlieue tarbaise. Ils reprendront le travail demain jeudi. Ce conflit marquera l’histoire sociale des Hautes-Pyrénées et du secteur de la santé. Laurence Charroy : « On va faire germer des idées dans d’autres établissements privés. »
Lien vers une intervention de Philippe Martnez sur le mouvement de la clinique de l’Ormeau à Tarbes : CLIQUER ICI
Lien vers la vidéo annonçant la fin du conflit : CLIQUER ICI