16 juillet 2014 – Déclaration CGT sur les décrets pénibilité

Déclaration des Administratrices-teurs CGT de la CNAV
Lors du Conseil d’administration du 10 juillet 2014 portant sur les décrets pénibilité

Pour la CGT, le dossier pénibilité est un dossier essentiel et ancien. Depuis les années 80 notamment, la CGT a formulé des revendications précises sur le sujet. En 2003, nous avions dénoncé le renoncement du gouvernement à traiter clairement cette partie fondamentale du droit à retraite. La loi de réforme s’était, contre notre avis, contentée de renvoyer le sujet à une concertation entre acteurs sociaux. On a vu le résultat : les organisations patronales se sont braquées dans un refus constant et obstiné de concrétiser les avancées produites par plusieurs années de discussions et d’expertises. Malgré cela, des entreprises ont mis en œuvre des conditions de prises en compte de la pénibilité sur la base de ces avancées.
La loi du 20 janvier 2014 a ouvert une nouvelle porte, trop étroite à notre avis. Mais c’était encore trop pour le patronat qui est aussitôt parti en campagne contre la perspective d’une prise en compte, même partielle, de la pénibilité. Il a pesé de tout son poids pour imposer des conditions à minima. Mais, même à minima, c’est toujours trop.
La CGT pour sa part a formulé de nombreuses propositions d’amélioration, puisées tant dans les discussions antérieures que dans l’expérience des accords déjà conclus. Nous n’avons pas été entendus. Les représentants des employeurs eux ont été écoutés et, il faut bien le constater, le gouvernement leur a obéi. Y compris au dernier moment en retardant des mesures qui pouvaient s’appliquer aux salariés les plus concernés.
Nous avons aujourd’hui, avec ces décrets d’application complexes et restrictifs, une mise en œuvre profondément décevante, qui se situe même en recul sur les accords déjà conclus.
Après l’espoir créé par une approche législative de la pénibilité enfin sortie de la médicalisation, la désillusion est, et surtout va être, d’autant plus grande.

Nous souhaitions que les décrets ouvrent sur une reconnaissance de la pénibilité pour les fins de carrières, afin de permettre le départ rapide en retraite des salariés concernés les plus âgés : au vu des projets de décrets, il n’en sera rien car dans le « meilleur des cas », qui ne concernera que très peu de salariés, et à plus forte raison avec le report d’un an de six critères sur dix, le départ sera possible à … 61 ans et pas avant 2016.
En effet, seuls les salariés de plus de 58 ans au 1er juillet 2014, toujours en activité et exposés à au moins deux pénibilités pendant les trois années à venir, bénéficieront de cette possibilité. Ceux de plus de 55 ans au 1er janvier 2015 pourront gagner « au mieux » 4 trimestres et partiront au plus tôt à … 61 ans également à condition d’être toujours en activité pendant encore au moins 5 ans en étant exposé à au moins deux pénibilités.

Nous souhaitions que pour les plus jeunes, il n’y ait pas la limite de 100 points maximum, ce qui permet au mieux une anticipation de départ de 2 ans, donc en l’état actuel un départ à … 60 ans. D’expérience, nous savons tous ici que les salariés exposés à une ou plusieurs pénibilités ne sont plus en activité professionnelle à l’approche des 60 ans. Ils sont les plus touchés par la maladie, l’invalidité, le handicap, le chômage… Il faut donc des dispositions qui permettent de partir bien avant 60 ans : sur ce point aussi, nous n’avons pas été entendus.

Nous avons contesté la mise en place de seuils pour déterminer l’exposition à une ou plusieurs pénibilités – sans compter que ces seuils sont au-dessus de ceux définis dans le code du travail ou retenus dans de nombreuses études produites sur la prévention. Par exemple, un salarié qui, tout au long de l’année, utiliserait un marteau-piqueur 2 heures par jour ne serait pas considéré comme exposé à la pénibilité «vibrations mécaniques» puisque le seuil est fixé à un minimum de 450 heures sur l’année : sur ce point aussi, nous n’avons pas été entendus.
Nous avons émis de sérieux doutes sur le caractère opérationnel du dispositif et formulé des propositions pour une approche moins individualisée : sur ce point également, nous n’avons pas été entendus. Rappelons que le Medef s’est constamment opposé à une approche de la pénibilité plus collective, notamment par métiers, qui aurait été plus simple plus efficace et en fait plus réaliste. Il est donc très mal placé aujourd’hui pour dénoncer le caractère « usine à gaz » du dispositif.

Ce dispositif, effectivement très complexe et manifestement susceptible de produire beaucoup de contestations, va-t-il disposer des moyens dont il aura besoin ? On peut en douter.
Les coupes drastiques intervenues dans les budgets ont affaibli les Caisses de Sécurité sociale, et la perspective de la prochaine COG fait craindre le pire concernant la CNAV, principal acteur dans la mise en œuvre de ces décrets.
Non seulement il s’agit d’une mission de plus, mais il s’agit d’une mission nécessitant des compétences en partie nouvelles, avec, par exemple, des tâches de contrôle, de gestion de contentieux ou encore de recouvrement pour lesquelles des personnels supplémentaires, en nombre suffisant, vont devoir être formés.
Le comble pourrait être, compte tenu des conditions particulièrement tendues aujourd’hui dans la branche, que la reconnaissance de la pénibilité génère encore plus de pénibilité pour les personnels de la Sécurité sociale.
Enfin, nous nous opposons à la modalité de gestion du Fonds de financement, dont le président serait désigné parmi les personnalités qualifiées. Nous ne sommes plus à la Sécurité sociale !

Pour toutes ces raisons, la CGT formulera un avis négatif sur les quatre projets de décret qui sont soumis à l’avis de notre Conseil d’administration

451. Déclaration CGT CNAV Pénibilité du 10 juillet 2014