17 février 2018 – Édouard Philippe annonce une vaste réforme du système de santé : cinq raisons de s’inquiéter et de se mobiliser

Réforme système de santé Edouard Philippe

Le 13 février 2018, le 1er Ministre Édouard Philippe a annoncé une vaste réforme du système de santé.
Cinq chantiers sont ciblés par le gouvernement :
– qualité des soins et pertinence des actes : les conseils nationaux et le Collège de médecine générale sont sollicités pour proposer des actions correctives d’ici l’été ;
– le financement et les rémunérations avec notamment une réforme de la T2A dont les limites sont atteintes et qui pourrait être plafonnée, car le constat est celui d’un cloisonnement. Cela passe également par la création d’une task force constituée d’experts et associant l’Assurance maladie qui devra, à horizon fin 2019, proposer de nouveaux modèles de financement ;
– le numérique en santé avec le retour du dossier médical personnalisé que doit déployer la CNAMTS et l’essor de la télémédecine qui doit être « une activité soignante à part entière »;
– les ressources humaines car la formation et la qualité de vie au travail sont primordiales. Un Observatoire national de la Qualité de vie au travail des professionnels de santé sera d’ailleurs mis en place ;
– repenser l’organisation territoriale des soins qui doit présider à la garantie des soins de la meilleure qualité possible.
Une enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros par an est prévue.
Les concertations sont ouvertes pour trois mois.

Comme d’habitude, les titres mettent en avant des mots pouvant paraitre agréable à l’oreille, mais quand on regarde le fonds, ce n’est plus du tout la même chose.

Depuis quelques décennies, le discours du patronat et de la plupart des politiques inverse le sens des mots : le mot « réformes » a désormais une connotation négative et de régression pourtant synonymes d’avancées, de progression sociale auparavant. Il en va de même pour le terme « modernité » où nous assistons à un retour un ou deux siècles en arrière, rimant désormais avec moins de droits, ou plus de précarité et de flexibilité. Avec Macron, nous sommes montés d’un cran dans le contre-sens, mais également monté d’un ton dans la dureté des propos et des projets.

Les mots d’introduction du 1er Ministre sont louables et plein de vérités « Notre système de santé est un patrimoine… », « il incarne tous les principes du service public : accessible, non discriminatoire, financé par la solidarité nationale. Il est l’un des piliers de notre République. »

Hors les points détaillés dans ces mesures ne sont pas à la hauteur de nos attentes et de celles des professionnels de santé et sont en totale contradiction avec les mots introductifs du 1er ministre. La complexité du système, chaque professionnel la vit au quotidien. Les mesures annoncées ne prennent pas en compte l’urgence de la situation, et demandent à tout le monde de patienter, le temps de la mise en place de réflexions nationales ! Pour le gouvernement, il est urgent d’attendre !

TITRE 1 : INSCRIRE LA QUALITE ET LA PERTINENCE DES SOINS AU COEUR DES ORGANISATIONS ET DES PRATIQUES

La qualité des soins est intrinsèquement liée à la prescription d’actes et leur réalisation par des équipes médicales et paramédicales, souvent en nombre insuffisant pour les effectuer. La satisfaction des patients est tout à fait légitime et nécessaire, cependant, quels moyens sont et seront donnés pour permettre de prendre en charge ce critère.

La pertinence des soins qui selon l’annonce, consiste à proposer la bonne intervention, au bon endroit, par le bon praticien et au bon moment, est réductrice. Selon la CGT, ce n’est pas une loi qui doit quantifier les actes ou les soins prescrits par un professionnel de santé.

TITRE 2 : REPENSER LES MODES DE REMUNERATIONS, DE FINANCEMENT ET DE REGULATION

Réduire la T2A à 50%, c’est toujours 50% de trop !
Le financement doit être lié aux besoins de la population et non à l’économie de marché. De plus, la CGT condamne les groupes financiers qui utilisent les remboursements de la Sécurité Sociale pour faire des profits et les exporter à l’étranger, ces millions pourraient, plutôt que de partir à l’étranger, financer nos Hôpitaux publics.
Cette évidence n’a pas besoin d’une TASK-FORCE.
De plus, la suppression de la taxe sur le salaire que les établissements publics versent mais dont les cliniques privées sont épargnées, pourrait redonner l’équilibre financier à bon nombre d’établissements publics et redonner des moyens à l’investissement humain et matériel.

TITRE 3 : ACCELERER LE VIRAGE NUMERIQUE

Rien ne presse à la dématérialisation, compte tenu des risques de piratage et de l’utilisation frauduleuse qui pourrait en être faite. La télémédecine est un virage plus que difficile, l’évaluation clinique ne se substituant pas à une consultation physique.

TITRE 4 : ADAPTER LES FORMATIONS ET LES RESSOURCES HUMAINES AUX ENJEUX DU SYSTEME DE SANTE

Le gouvernement a détourné 300 millions d’euros en 2016 et 2017 sur les fonds de formation pour équilibrer la sécurité sociale ! La Sécurité sociale n’est pas équilibrée et les formations n’ont pas eu lieu. La CGT dénonce depuis de nombreuses années la mise en place du numerus clausus et réclame son retrait, nous ne pouvons être contre une profonde réforme de ce système, mais dans la mesure où il aboutit à un retrait de ce mode de cloisonnement. Cependant il va nous falloir attendre encore jusqu’en 2019 pour voir aboutir des mesures législatives concernant ce sujet et dix ans pour des résultats concrets !

Nous pouvons faire le parallèle avec les déserts médicaux dans la mesure où il pourrait être demandé aux jeunes médecins dès maintenant, sous couvert des financements déjà existant à la sécurité sociale, l’installation dans ces territoires.

Le point sur lequel devrait être basé toute évolution des problématiques actuelles porte sur les ressources humaines et la qualité de vie au travail. Cela fait 10 ans que les agents de la FPH n’ont quasiment pas eu d’augmentation de salaire, de plus le déroulement de carrière a été allongé de 10 ans. Quant à assouplir les statuts, comment cela va se structurer quand on sait que la proportion des emplois précaires atteint des chiffres records rendant le personnel corvéable à merci ? Cette précarité de l’emploi non statutaire, rend moins attractif les métiers dans les hôpitaux publics.

Le parallèle avec un nouveau contrat social pour les fonctions publiques, modifiant les statuts, introduisant la reconnaissance au mérite. Mais où plaçons-nous le mérite quand on parle de soignants à bout de souffle, d’administratifs débordés et d’ouvriers de moins en moins nombreux ? L’observatoire national de la qualité de vie au travail des professionnels de santé en revanche a un intérêt plus qu’important, mais ce travail aurait déjà dû être lancé depuis longtemps !

TITRE 5 : REPENSER L’ORGANISATION TERRITORIALE DES SOINS

Ce chantier est l’exemple même de comment remplacer l’Hôpital public de proximité avec des lits par des services externalisés sur le libéral ou par de l’ambulatoire inaccessible pour une partie de la population de par la non mobilité géographique, et/ou l’isolement familial.
La construction d’hôtel à proximité des Centres hospitaliers est-elle un hasard ?

CONCLUSION :

Ce n’est pas avec 100 millions d’euros que l’on réglera la situation actuelle mais par une vraie politique volontariste de la santé telle qu’elle a été à l’origine de la création de la Sécurité Sociale : « Vivre sans l’angoisse du lendemain, de la maladie ou de l’accident de travail, en cotisant selon ses moyens et en recevant selon ses besoins.»
Vouloir tout reformer sans mettre les moyens en personnel, ne constitue pas une avancée !
Le gouvernement se targue d’être le seul à prendre en main les problèmes de santé, mais pour détruire le service public existant !

De plus, il est important de rappeler que les coupes budgétaires pour les hôpitaux pour 2018 s’élèvent à 1,6 milliards d’euros. A côté, les 100 millions annoncés constituent simplement une provocation et une manipulation de plus !

Et si la modernité consistait à amener les équipes dirigeantes et les équipes soignantes à parler le même langage, celui des valeurs du soin ?

Pour toutes ces raisons, la CGT de l’hôpital de Manosque appelle les personnels à se mobiliser lors de toutes les prochaines journées de mobilisation et initiatives qui seront organisées.