17 avril 2019 – Rapport d’actualité de la réunion de la coordination régionale CGT Santé et Action Sociale PACA du 12 avril 2019 à Toulon

Hôpital et services publics

Tout d’abord, il nous faut avoir une vision globale, mondiale, transfrontalière. Il y a une économie mondiale impulsée par des grands groupes industriels et financiers. En découle une stratégie mondiale des différents chefs d’Etat qui vont adapter leur politique en fonction des besoins et des exigences de l’économie mondiale. Donc, c’est à partir de l’aspect économique et financier qu’on élabore les stratégies qui vont impacter les peuples et leur environnement. Quand je dis environnement, j’entends plusieurs aspects : les droits les plus élémentaires, l’accès aux biens élémentaires, mais également la nature, la planète.

Par rapport à leur approche, nous aurions besoin d’une approche globale beaucoup plus affirmée des syndicats des différents pays. Les différentes attaques se font dans les différents pays. Quand ils imposent une Loi Travail pour casser le code du travail en France, ce n’est pas seulement les travailleurs français qui sont attaqués, mais de nombreux pays connaissent la même attaque, en tout cas, des pays où les travailleurs ont encore des droits.

Aujourd’hui, il y a une minorité de pays où il y a un droit du travail qui tient la route et où il y a des syndicats qui ont une véritable liberté d’expression. Car quand il y a des pays qui perdent des droits, quand on laisse faire des attaques, quand on laisse tirer vers le bas de nombreux pays autour de nous, forcément c’est une attaque à termes contre les droits des citoyens ou des travailleurs français. Au moins il y a des pays qui ont des droits au plus la menace grandit pour ceux qui en ont encore, avec une volonté d’aligner tout le monde au même niveau. C’est important d’avoir cette approche globale pour mieux avoir une réponse globale et mener un combat mondial.

C’est le sens de l’Euro manifestation qui est organisée le 26 avril à Bruxelles, et qui a été décidée par la CES (en manque de propositions et d’actions revendicatives) sous la pression de la CGT et d’autres syndicats progressistes, un mois avant les élections européennes des 23 et 26 mai.

Ce sera aussi le sens de la manifestation du centenaire de l’OIT (Organisation Internationale du Travail), décidée par le congrès de la CSI, en défense du droit de Grève, qui se déroulera le 17 juin à Genève.

C’est la même philosophie qui doit nous animer au niveau du pays où nous sommes tous interdépendants. Il ne faut pas succomber à la division, au repli sur soi, là où ils veulent nous amener : « tant que c’est les autres, c’est pas grave ! ».
Entre le public et le privé, entre les cheminots et les hospitaliers, entre les salariés et les chômeurs, entre les étudiants et les retraités, entre les citoyens du pays et les migrants, entre les salariés d’un hôpital et celui d’à côté etc…

Attaquer un secteur, attaquer une entreprise, attaquer un service public, c’est tirer vers le bas tout le monde à terme, car eux, ils y vont par étapes. On le voit. Il y a eu le code du travail, ensuite la SNCF, cette année, il y a la réforme du système de santé, de pôle emploi, de la fonction publique, des retraites et la réforme de la dépendance et de l’autonomie des personnes âgées… Avec la volonté d’accélérer la casse de la protection sociale et plus globalement toutes formes de protection des citoyens dans un monde qui devient pourtant de plus en plus hostile.

Le monde qu’ils sont entrain de construire, ou plutôt de détruire, va vers une hostilité croissante à différents niveaux. Le niveau le plus important, et qui est souvent occulté, minimisé ou caché : c’est celui de l’environnement naturel qui est notre support de vie.

Réchauffement climatique, pénurie énergétique, pollution, extinction de nombreuses espèces, accès à de l’eau potable, accès à la nourriture, sols de moins en moins fertiles sont et vont être, dans les années qui arrivent, à la base de toujours plus de conflits et de tentatives de prise de pouvoir de certains Etats, comme récemment au Venezuela pour l’énergie… ou en Lybie et en Syrie, les tensions ont d’abord commencé par une grande sècheresse qui a engendré des tensions dans le pays et qui a ensuite servi à des pays occidentaux pour déstabiliser ces régimes sur fond de question du contrôle des énergies. Et malheureusement les manipulations des grandes puissances et grands médias tentent à chaque fois de nous faire regarder ailleurs en nous inventant un bouc émissaire à nos problèmes ou aux tensions dans le monde. Crise énergétique, crise climatique, crise politique et crise sociale vont prendre de plus en plus de place dans notre quotidien dans les années qui arrivent. Au niveau national, on a et on va de plus en plus avoir ce type de manipulations. En effet, on va de plus en plus nous pointer du doigt un coupable, un bouc émissaire : pauvre, chômeur, fonctionnaire, retraités, migrants, immigrés etc… Et pendant ce temps là, on ne prend pas les grandes décisions qui s’imposent et on évite aux citoyens de se poser les bonnes questions. A l’heure où l’on aurait besoin d’un Etat Providence fort et courageux, en matière de meilleure répartition des richesses, en matière écologique comme en matière de maillage des services publics, il recule lâchement, par exemple vers une privatisation de l’Aéroport de Paris ou encore vers le rachat de Saint Gobain PAM par un groupe chinois, comme nous l’avons appris hier. A noter que Saint-Gobain Pont-à-Mousson est le leader européen de la production de fonte ductile pour les canalisations d’eau potable et d’assainissement d’eaux usées. Plus de 50% des canalisations européennes sortent de l’usine. Ce type d’industrie doit être pleinement intégrée à une stratégie de planification écologique, pour produire les infrastructures indispensables à la transition énergétique dont nous avons tant besoin.

Ensuite, leur stratégie passe aussi par un ensemble de manipulations de langage. On voit en ce moment, on nous explique que privilégier les intérêts de quelques uns profite à tout le monde, fermer des gares ou supprimer des lignes de trains améliore l’accès aux transports, fermer des écoles favorise l’accès à l’éducation, fermer des hôpitaux améliore l’accès aux soins, mettre en place une fusion de plusieurs hôpitaux en éloignant les centres de décisions du terrain permet d’améliorer une prise en charge au plus près des réalités de terrain, privatiser l’éducation et accroitre les sélections permet de faciliter l’ascenseur social, perquisitionner les médias facilite la liberté d’expression de la presse, réprimer les manifestants permet de protéger le droit de manifester, supprimer des droits et des protections des personnels leur apporte plus de sécurité et de meilleures conditions de travail…

Ceci est la logique de la politique gouvernementale actuelle et qui est relayée par leurs représentants ou bon nombre de directions dans les territoires.

Cette politique conduit vers toujours plus de rationalisation : des territoires, des différentes formes de démocratie locale, de la gouvernance et du management, des métiers, des qualifications, de la prise en charge des personnes fragiles ou malades…

Et cela met en lumière une question majeure : quelle est la place de l’humain dans cette société ?

Quand on mange des produits, on veut de plus en plus savoir d’où ils proviennent et comment les animaux ont été traités, mais je n’ai pas l’impression qu’on se pose la même question sur les conditions de travail des travailleurs qui ont fabriqué les produits que nous consommons.

Et nous sommes conditionnés malheureusement pour ne pas se poser la question.
On se pose la question de comment sont traités les animaux dans les élevages, mais se pose-t-on assez la question de savoir comment sont traités les enfants, les handicapés, les patients en psychiatrie, les personnes âgées dans les différentes structures d’accueil et de prise en charge ?
Nous sommes conditionnés pour surconsommer, pour être individualiste, se replier sur soi, pour être tous en compétition… par un capitalisme mondialisé sans foi ni loi avec une vision de très court terme niant les différentes formes de démocratie et de collectifs. Cela crée de plus en plus de tension, de frustration, de colère ou de désespoir.

C’est pourquoi, afin de faire accepter une politique de plus en plus insupportable, pour protéger les intérêts d’une petite minorité, pour se protéger des risques de crises politiques et sociales importantes qui sont facilement prévisibles pour les prochaines années, au regard des conséquences engendrées, ils ont besoin de mettre en place un pouvoir toujours plus autoritaire. L’évolution de la législation va dans ce sens (la loi anticasseurs en est un des exemples récents). Mais les propos le 27 mars, d’un Député LREM des Bouches du Rhône qui entend demander au premier ministre et au ministre de l’intérieur, la dissolution de l’Union départementale CGT 13 va aussi dans ce sens. Ce député considère qu’il est « inadmissible », « indigne » que des salariés puissent envahir une réunion publique dans le but de faire entendre haut et fort leurs légitimes revendications.

Inadmissible, c’est son comportement et cet autoritarisme qui est devenu la marque de fabrique de ce gouvernement.

Indignés, ce sont les salariés qui le sont car ce sont eux qui subissent les politiques d’austérité, le mépris de ce gouvernement et de ce patronat ; indignés parce que la démocratie est bafouée ; indignés parce que le pouvoir cherche à faire taire le monde du travail, en utilisant toutes les formes de violences : sociales et étatiques.
La confédération et de nombreuses organisations ont affirmé leur soutien sans faille à l’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône, aux syndiqués et aux salariés qui se mobilisent.
Ce sont toutes ces atteintes graves aux libertés les plus élémentaires, qui amènent la CGT, avec plus de 50 organisations du milieu associatif, à organiser, à Paris et partout en France, des manifestations le samedi 13 avril 2019 pour « la liberté de manifester ».

Dans la continuité et dans la volonté de supprimer les différentes formes de démocraties locales, on pourrait citer la multiplication des fusions d’établissement (dans la santé, le social et le médico-social) qui font reculer encore un peu plus les prérogatives des élus locaux, comme les maires des petites communes, qui bientôt, si cela continue n’auront plus comme prérogative que le droit à mariage. Au niveau de la démocratie en entreprise, après la mise en place des CSE dans le privé, et le mouvement d’accélération des fusions d’établissements, s’en suit la volonté de fusion des instances CTE et CHSCT dans le projet de réforme de la fonction publique, l’objectif étant de diminuer fortement le nombre et le pouvoir des représentants du personnel et parallèlement d’accroitre les moyens de pression sur les personnels.

A noter sur ce point, la journée de mobilisation du 9 mai, retenu par 7 organisations syndicales, dont la CGT, pour lutter contre la réforme de la Fonction Publique. Elle doit être retenue pour en faire dans chaque territoire une nouvelle journée avec une prise en compte la plus large possible.

Dans le calendrier des journées de mobilisation, à noter également l’appel de nombreuses UD et syndicats à un front populaire avec une manif le 27 avril sur Paris.

Ensuite, je suis de plus en plus convaincu que la solution passera par une approche totalement opposée à la leur (mondiale et du chacun pour soi) : c’est-à-dire par une démarche locale et solidaire, que ce soit en termes de résistances ou en termes d’initiatives basées sur des valeurs humanistes et respectueuses de la nature.

A l’heure où nous sommes de plus en plus en plus assommés par l’international et le national, les perspectives viennent en premier lieu de la base. Nous avons besoin de mettre en place des résistances locales et d’avoir des victoires locales. Et de petites avancées en petites avancées, nous avons besoin de redonner confiance aux salariés, aux citoyens, aux militants. Ensuite, on pourra agrandir ces initiatives, les multiplier et donner confiance aux voisins qui pourront tenter les mêmes.

Quand il y a 300 hôpitaux par exemple qui sont menacés avec le projet de Loi Santé Buzyn, il faudrait qu’on puisse organiser 300 zones de résistances, 300 hôpitaux en lutte. Nous avons besoin de mettre en place en quelque sorte 300 ZAD (Zone A Défendre) pour ne pas les laisser détruire notre outil de travail comme le maillage en termes de services publics rendus aux populations comme le lien social qui nous uni, qui nous permet de vivre ensemble.

Nous avons besoin aussi de nous associer à des réflexions afin de créer d’autres modes de production au niveau local, d’autres formes de solidarité, d’autres formes d’organisation du travail plus respectueuses de l’humain.

A l’heure où ils vont très vite dans le développement des nouvelles technologies, de la robotisation, de l’intelligence artificielle, ils sont aussi entrain de construire un modèle où c’est l’humain qui est au service des machines et non les machines qui sont au service de l’humain. A l’heure où ils parlent d’humaniser les robots, ils sont en train de robotiser les travailleurs. Malgré un exemple ou deux à la TV où ils nous montrent un robot qui va aider un agriculteur à traire les vaches… Ce qui se développe en masse c’est plutôt ce qui se passe chez Amazon où un robot donne en permanence des directives à des magasiniers ne les laissant pas souffler ou bien l’exemple de certaines chaines de production dans l’industrie alternant humains et robots, où on impose à l’homme de garder la même cadence que les machines, ce qui est complètement inhumain. Et quand l’humain est hors service, on le jette et on le remplace. Nous avons besoin de prendre le contre-pied de ce processus. Ils nous conduisent dans le mur à différents niveaux. Il faut qu’on garde des manières de travailler qui placent l’humain au cœur. Il faut qu’on intervienne davantage sur ces questions là.

Une autre forme de résistance à avoir me semble-t-il au niveau local c’est d’organiser des résistances, à partir de la première d’entre elles qui est celle de savoir dire NON. J’ai un exemple ces derniers jours où un agent sachant qu’il a droit à 3 jours d’autorisation d’absence pour un décès dans sa famille ne les a pas pris car sa cadre lui a dit qu’il n’y a pas droit. La résistance commence par là, par faire respecter ses droits de base individuellement et collectivement. Dans chaque bureau, dans chaque couloir, dans chaque service, cela passe par commencer à faire respecter ses droits élémentaires.

Si on n’arrive pas à faire respecter ses droits à congés, à repos, sur les plannings, au respect, ou qu’on nous parle correctement… Alors ce sera très compliqué de mettre en place des résistances pour lutter contre une fusion d’établissement ou pour lutter contre un plan de suppression de 20 ou 30 postes. La résistance c’est ce qui doit nous animer et c’est un travail de tous les jours. Oui une résistance constructive avec pour objectif la transformation d’un système qui a montré ses limites et son inefficacité.

Dans un monde où on nous apprend la soumission, l’asservissement dès le plus jeune âge, dès l’école, il nous faut travailler en permanence au développement de l’esprit critique, de l’esprit de résistance et de l’esprit d’initiative. Nous avons besoin de multiplier les actions dans ce sens comme les échanges sur nos luttes gagnantes qui sont nombreuses.

Nous devons débattre à tous les échelons de notre stratégie future et de notre plan de travail !

La CGT a besoin de revisiter ses racines « révolutionnaires » qui ont permis les conquêtes sociales mais nous avons également besoin d’aborder avec lucidité les enjeux de demain.

En espérant que notre 52ème congrès confédéral, tant dans sa préparation, à amplifier, que dans ses séances, permettra de répondre aux questions qui nous sont posées et de construire notre bien commun pour les années à venir.