7 juillet 2019 – Revue de presse du jour : entre rationalisation et rigolade

Rationaliser et robotiser les soignants

En regardant la presse ce matin, nous sommes tombés sur deux articles concernant notre secteur d’activité, la santé, qui nous ont interpellé.

Le premier, c’est l’interview dans HPI (Haute Provence Info) sur deux grandes pages du nouveau directeur de l’hôpital de Manosque, qui est en train de prendre le contrôle de l’ensemble des hôpitaux et EHPAD du département du 04 par le biais d’extension de directions communes ou de processus de fusion pour le sud du département.

Il explique qu’il met en place une politique de rationalisation et de mutualisation dans l’objectif de donner plus de moyens, plus d’effectifs, plus de qualité de la prise en charge. Donc, ce serait unique en France, nous serions le seul territoire où en rationalisant on va vers du mieux. Partout la situation se dégrade en appliquant cette politique : on perd des effectifs, les conditions de travail se dégradent, les burn out explosent, la prise en charge des patients et des résidents se détériorent fortement… Mais dans le 04, c’est tout le contraire qui se produirait. Nous sommes impressionnés d’avoir une direction d’un tel niveau dans notre département ! Nous suivrons étape par étape l’évolution en termes de structures, d’effectifs, de conditions de travail et de prise en charge ! C’est d’un niveau un peu trop élevé pour nous, c’est comme quand M. Macron nous explique que c’est en enlevant des droits aux travailleurs qu’on leur apporte plus de sécurité. Ou quand M. Philippe nous explique que c’est en supprimant les petites gares qu’on améliore l’accès aux trains. Désolé, mais nous n’avons pas fait l’ENA, nous décrochons rapidement durant ce genre de raisonnement.

Ensuite, un second article sur un thème différent mais pour lequel on peut trouver de nombreux liens, c’est « Rigolez, vous êtes exploité » paru dans Le Monde Diplomatique. On y trouve une expérience réalisée par la direction du CHU de Toulouse. Au CHU, il y a de plus en plus de mal être, d’arrêt maladie et de suicides. Pour le mettre en lien avec l’article précédent de HPI, celui du Monde Diplomatique nous explique que la direction du CHU est adepte d’une politique de la rationalisation, le « Lean Management », inspirée de l’industrie automobile, où l’objectif est de « faire produire plus avec moins de personnels quitte à pousser les équipes à bout »… avec des personnels « qui préfèrent mettre fin à leurs jours plutôt qu’endurer leur activité professionnelle ». Donc à Toulouse, ils sont en avance sur le 04 sur cette politique de rationalisation puisque cela fait de nombreuses années qu’elle a été mise en place. Et pour faire face à cette situation intenable, la direction n’a pas opté pour des effectifs supplémentaires, mais a décidé de mettre en place des ateliers de rigolade en développant la pensée positive. Dans l’article, ils expliquent que la direction a mis cela en place pour réduire le nombre de suicide, pour que les gens se sentent mieux (donc iront moins voir ailleurs), mais également pour être plus productif.

A la fois, on peut se dire c’est très malsain et très méprisant envers les agents, mais en même temps cela va beaucoup plus loin puisqu’en plus de donner l’illusion d’améliorer la situation par le biais des ateliers de rigolade, ils veulent en profiter pour renforcer la politique de rationalisation en augmentant encore plus la productivité, et en intensifiant encore plus le travail.

Dans l’article, il est expliqué que la direction du CHU de Toulouse a raccroché au nez des journalistes… Apparemment, ils n’ont pas trop le sens de la rigolage… Un atelier s’imposerait peut être ?

Voilà ce sont deux exemples vus dans la presse ce matin et qui donnent un aperçu de la situation actuelle dans les hôpitaux. D’un côté, nous avons la mise en place d’une politique de la rationalisation (par le biais d’un langage convenu, d’une novlangue visant à dénaturer la réalité), et d’un autre côté, nous avons un exemple de la manière dont se gèrent ensuite les conséquences de cette politique.