4 décembre 2012 – Le débat sur les 12 heures

1/ Le travail en 12h00 est-il légal ?

Pour répondre à cette question, il faut lire le décret n°2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. Et notamment les articles 5, 6, 7 et 9.

Article 5 :

La durée du travail effectif s’entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Lorsque l’agent a l’obligation d’être joint à tout moment, par tout moyen approprié, pendant le temps de restauration et le temps de pause, afin d’intervenir immédiatement pour assurer son service, les critères de définition du temps de travail effectif sont réunis.

Lorsque le port d’une tenue de travail est rendu obligatoire par le chef d’établissement après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le temps d’habillage et de déshabillage est considéré comme temps de travail effectif.

Article 6 :

L’organisation du travail doit respecter les garanties ci-après définies.
La durée hebdomadaire de travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder 48 heures au cours d’une période de 7 jours.
Les agents bénéficient d’un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum et d’un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum.
Le nombre de jours de repos est fixé à 4 jours pour 2 semaines, deux d’entre eux, au moins, devant être consécutifs, dont un dimanche.

Article 7 :

Les règles applicables à la durée quotidienne de travail, continue ou discontinue, sont les suivantes :

1° En cas de travail continu, la durée quotidienne de travail ne peut excéder 9 heures pour les équipes de jour, 10 heures pour les équipes de nuit. Toutefois lorsque les contraintes de continuité du service public l’exigent en permanence, le chef d’établissement peut, après avis du comité technique d’établissement, ou du comité technique, déroger à la durée quotidienne du travail fixée pour les agents en travail continu, sans que l’amplitude de la journée de travail ne puisse dépasser 12 heures.

2° Le travail de nuit comprend au moins la période comprise entre 21 heures et 6 heures, ou toute autre période de 9 heures consécutives entre 21 heures et 7 heures, sans préjudice de la protection appropriée prévue à l’article 3 et des mesures prises au titre de l’article 9. Pour les agents soumis à un régime d’équivalence ainsi que pour les agents travaillant exclusivement de nuit selon les dispositions de l’article 2, le temps de travail est décompté heure pour heure.

3° Dans le cas de travail discontinu, l’amplitude de la journée de travail ne peut être supérieure à 10 h 30. Cette durée ne peut être fractionnée en plus de deux vacations d’une durée minimum de 3 heures.

4° Une pause d’une durée de 20 minutes est accordée lorsque le temps de travail quotidien est supérieur à 6 heures consécutives. Pour les agents soumis à un régime d’équivalence, les heures sont décomptées heure pour heure.

Article 9 :

Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail définis par service ou par fonctions et arrêtés par le chef d’établissement après avis du comité technique d’établissement ou du comité technique.

Le cycle de travail est une période de référence dont la durée se répète à l’identique d’un cycle à l’autre et ne peut être inférieure à la semaine ni supérieure à douze semaines ; le nombre d’heures de travail effectué au cours des semaines composant le cycle peut être irrégulier.

Il ne peut être accompli par un agent plus de 44 heures par semaine.

Les heures supplémentaires et repos compensateurs sont décomptés sur la durée totale du cycle. Les repos compensateurs doivent être pris dans le cadre du cycle de travail.

Pour conclure, on peut ainsi en déduire qu’en principe, en cas de travail continu, la durée quotidienne des agents de la fonction publique hospitalière ne peut excéder 9 heures pour les équipes de jour et 10 heures pour les équipes de nuit. Toutefois, lorsque les contraintes de continuité du service public l’exigent en permanence, le directeur d’établissement peut après avis favorable du CTE déroger à cette règle sans que l’amplitude de la journée de travail pour les agents ne dépasse 12 heures temps de transmission compris.

Donc, oui, il est possible dans le cadre d’une réorganisation du travail de prévoir des postes de 12 heures de jour comme de nuit incluant le temps de transmission dans le cadre d’un travail en continu.

2/ Le travail en 12h00 est-il un avantage ?

La réponse doit être nuancée.

C’est un avantage certain pour les directions d’établissement.
Cela leur permet de déroger à la durée quotidienne du travail fixée pour les agents en travail continu.
Cela peut leur permettre de supprimer le roulement en 3 équipes pour le remplacer par 2 équipes en 12 heures de travail afin de pallier au manque de personnel. Il n’y a plus alors qu’une équipe de jour et une équipe de nuit.

Qu’en est-il pour les agents ? Dans l’ensemble, nous pouvons constater qu’il s’agit d’un recul social, d’une dégradation des conditions de travail. Certes certains agents (et notamment les plus jeunes) peuvent être attirés par le chant des sirènes leur promettant de travailler seulement 3 jours par semaines.
Mais concrètement, ce n’est pas si simple que cela.
Travailler 12h00, c’est travailler sur un rythme plus soutenu, donc plus usant en niant la pénibilité.
Travailler 12h00, c’est le risque d’une perte de vigilance , d’une augmentation des risques et donc une diminution de la sécurité.
Travailler 12h00 entraîne plus de fatigue, plus d’irritabilité, donc plus de conflits. Travailler 12h00 peut avoir des répercussions sur la vie familiale.
Travailler 12h00 développe davantage de turn over.
Enfin, il est également à craindre une augmentation du stress au travail et des risques psycho sociaux.

Et surtout, les dérives arrivent très vite. C’est ainsi que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé en début d’année la décision d’organisation d’un service en 12h00 au CH de Bordeaux. En effet, une organisation en 12h00 était prévue sauf que les agents réalisaient une amplitude supérieure en raison des transmissions inter-équipes. Du coup, le juge a invoqué un non respect de la règlementation du temps de travail.