17 juin 2013 – Prévention des risques psychosociaux : la fonction publique montrée du doigt

Cinq ans après l’Accord national interprofessionnel sur le stress au travail de 2008 puis, en 2009, le plan d’urgence sur la prévention du stress en France, le CESE (Conseil Economique, Social et Environnemental) a souhaité procéder à un état des lieux des risques psychosociaux et formuler des recommandations afin de mieux les prévenir. Ce rapport vient d’être publié.

La fonction publique y est montrée du doigt, où la RGPP est une importante source de stress. Il y a une urgence à ce qu’elle veille à une mise en application plus large des plans d’évaluation et de prévention des risques sociaux.

L’état des lieux de la prévention des RPS

Si les suicides de salariés et de demandeurs d’emploi ont particulièrement choqué l’opinion publique, ces drames ne sont que la partie émergée d’un phénomène beaucoup plus large communément dénommé « risques psychosociaux ». Ces risques connaissent des manifestations diverses : stress chronique, harcèlement moral et sexuel, agressions et violences externes, syndrome d’épuisement professionnel et suicides au travail.

Le développement des risques psychosociaux est lié aux transformations du travail ainsi qu’à l’environnement économique et social marqué par la crise. Phénomène multiforme et plurifactoriel, ces risques demeurent difficiles à identifier, alors même qu’ils sont très présents dans le monde du travail et qu’ils constituent, à ce titre, un enjeu majeur de santé publique.

Face à ce phénomène grandissant, les pouvoirs publics mais aussi les partenaires sociaux ne sont pas restés inactifs et de nombreuses initiatives ont déjà été prises. De même, les risques psychosociaux font aussi l’objet d’une prise en compte renforcée par les différents acteurs de prévention. Toutefois, ces différentes initiatives tardent à produire leurs effets et demeurent insuffisantes.

Prévenir les risques psychosociaux en s’appuyant sur des principes d’action clairement affichés

La prévention des RPS ne réside pas uniquement, ni même principalement, dans des évolutions législatives ou règlementaires mais dans le changement des pratiques de management et dans la bonne gouvernance. A ce titre, promouvoir un dialogue social de qualité autour de la santé et du bien-être au travail et privilégier la prévention primaire en s’attaquant directement aux facteurs de risques constituent deux orientations fondamentales. En effet, il convient de privilégier les approches préventives et collectives qui touchent à l’organisation et aux méthodes de management en vigueur dans les entreprises et les administrations.

Améliorer la connaissance et l’évaluation des RPS

La prévention des risques psychosociaux passe par une meilleure connaissance de ces risques, tant au niveau national qu’au niveau de l’entreprise.

Afin d’inciter les employeurs à se saisir de la question spécifique des risques psychosociaux, il pourrait être opportun que le document unique d’évaluation des risques (DUER) comprenne une évaluation systématique des facteurs de risques psychosociaux par unité de travail. De plus, le Conseil préconise de rénover la procédure d’élaboration du DUER afin de rendre obligatoire la consultation du CHSCT et des services de santé au travail sur ce document clé de la prévention des risques professionnels.

Enfin, le CESE propose de réactiver le droit d’expression des salariés afin qu’il s’exerce prioritairement sur l’évaluation des risques professionnels, notamment des risques psychosociaux, et la mise en œuvre d’actions destinées à réduire ces risques.

Stabiliser et clarifier le cadre juridique de la santé au travail

Cet axe de recommandations a pour objet de préciser un cadre juridique non stabilisé compte tenu d’une jurisprudence foisonnante en matière de santé au travail, ce qui place les employeurs mais aussi les salariés dans une situation d’insécurité juridique.

Sans créer de nouvelles obligations pour l’employeur, le Conseil préconise ainsi, dans le souci de stabiliser et de clarifier le cadre juridique, de tenir compte dans le Code du travail des principales évolutions jurisprudentielles en matière de santé au travail et de prévention des risques professionnels. Cette préconisation n’a toutefois pas recueilli un large consensus.

De plus, le Conseil préconise de renforcer la prévention des risques psychosociaux en amont des restructurations ou réorganisations, notamment en rendant obligatoire la réalisation – en lien avec les institutions représentatives du personnel – d’une étude d’impact afin d’en évaluer les conséquences organisationnelles et humaines.

Améliorer la détection et la prise en charge des victimes

Le Conseil juge indispensable de se préoccuper de la détection et de l’accompagnement des salariés en souffrance. La création de dispositifs d’écoute dans les entreprises, mais aussi dans les administrations, peut être un instrument utile pour faire bénéficier les salariés d’un premier soutien psychologique.

Dans une logique de portabilité des droits, et avec le souci de maintenir un lien avec le travail, le Conseil propose également que les demandeurs d’emploi puissent continuer à bénéficier d’un suivi médical par les services de santé au travail dans une période à déterminer par les partenaires sociaux, suivant la rupture du contrat de travail.

Enfin, le CESE souhaite que la reconnaissance des risques psychosociaux comme facteur de maladie professionnelle ou d’accident du travail puisse progresser rapidement et qu’une négociation interprofessionnelle puisse s’engager sur cette question en vue d’assouplir les critères de reconnaissance.

LES RECOMMANDATIONS DU CESE :

Prévenir les RPS en s’appuyant sur des principes d’action clairement affichés
* Intégrer la santé au travail comme une composante de la stratégie globale de l’employeur
* Promouvoir un dialogue social de qualité autour de la santé et du bien-être au travail
* Privilégier les actions de prévention primaire
* Repenser le rôle et la formation initiale et continue de l’encadrement

Améliorer la connaissance et l’évaluation des RPS
* Améliorer le suivi statistique et épidémiologique
* Confier à un collège d’expertise la mission d’élaborer un outil d’identification et de suivi des RPS dans l’entreprise
* Identifier les RPS dans le DUER (Document Unique d’Evaluation des Risques)
* Associer systématiquement les acteurs de prévention à l’évaluation et la prévention des risques
* Réactiver le droit d’expression des salariés en l’articulant avec la prévention des risques professionnels
* Faire du bilan social un outil de la performance sociale

Stabiliser et clarifier le cadre juridique de la santé au travail
* Prendre en compte dans le droit positif certaines évolutions jurisprudentielles
* Renforcer la prévention des RPS en amont des restructurations ou réorganisations
* Faciliter le recours à la procédure de médiation tant pour les salariés que pour les demandeurs d’emploi
* Encadrer les démarches volontaires de certification en santé au travail

Mobiliser davantage les différents acteurs de la prévention
* Mieux accompagner les PME/TPE en matière de santé et sécurité au travail
* Renforcer les moyens d’action du CHSCT
* Renforcer la mission de veille sanitaire des services de santé au travail
* Promouvoir le bon usage des TIC

Veiller à la mise en œuvre de l’accord de 2009 et prolonger les actions engagées dans la Fonction publique
* Elaborer et mettre en œuvre pour chaque employeur public un plan d’évaluation et de prévention des RPS
* Renforcer le maillage des CHSCT dans la Fonction publique d’Etat
* Améliorer le fonctionnement des instances médicales
* Faire évoluer le régime de l’imputabilité au service des accidents et des maladies professionnelles
* Elargir le droit à la protection fonctionnelle aux faits de harcèlement

Améliorer la détection et la prise en charge des victimes
* Détecter et mieux accompagner les salariés en situation de détresse
* Assurer un meilleur suivi médical post-licenciement des demandeurs d’emploi
* Adapter les règles de prise en charge par la branche AT/MP
* Développer les unités hospitalières de consultations « santé psychologique et travail »