12 juin 2015 – Mieux comprendre la loi santé pour mieux la combattre

Sur la loi Santé, c’est assez particulier, puisque le gouvernement commence à la mettre en œuvre avant même qu’elle soit adoptée. Sur la loi Macron, le gouvernement a choisi le passage en force par le biais de l’article 49-3. Pour la loi Santé, il a décidé la mesure d’urgence. Cela consiste en un passage dans chaque chambre, il n’y a pas de deuxième lecture, et ensuite, c’est la commission mixte paritaire, qui est composée de 7 députés et 7 sénateurs qui retravaille à partir du texte de l’assemblée, qui fait un nouveau texte, et qui est transmis pour un vote solennel, sans débat, dans les deux chambres. La procédure d’urgence, c’est une autre forme de passage en force, moins marquée que le 49-3, mais c’est tout de même une façon de limiter la possibilité de débat.
Le texte a été voté en première lecture à l’Assemblée Nationale le 14 avril. Il vient au débat au Sénat la 3ème semaine du mois de septembre et la seconde semaine du mois d’octobre. Donc vers le 15 octobre, il sera voté par le Sénat.
Ensuite, la commission mixte paritaire entre fin octobre et tout début novembre. En sachant qu’à ce moment là, nous serons en période de la loi de financement de la sécurité sociale dont le débat commence le 15 octobre et finit le 15 décembre. Et il devrait y avoir vote solennel de la loi santé dans la première quinzaine de novembre, et publication du texte fin novembre / début décembre, si on n’arrive pas à l’empêcher d’ici là.

Mais il y a déjà certains éléments de la loi qui s’applique au 31 décembre ou au 1er janvier. En tant que CGT, on ne peut pas accepter qu’une loi Santé importante soit mise en place sans qu’il y ait eu de débat. Nous devons exiger un temps de débat parlementaire mais également un temps de débat avec la population. On ne peut pas accepter que certains DG d’ARS aient déjà demandé aux directeurs d’établissements de mettre en œuvre certains aspects de cette loi, en particulier sur les éléments sur les GHT (Groupements Hospitaliers de Territoire).
Et même dans les établissements, on commence à entendre parler de la mise en commun de service informatique, la mise en commun de mission administrative, la mise en commun d’aspect logistique etc…sur le territoire, sachant que se pose la question des territoires de santé. Les GHT sont imposés pour les établissements publics dans le texte. Mais ce que peu de personnes savent c’est que les établissements privés qui ont des partenariats ou des coopérations avec des structures publiques vont être amenées dans le GHT.

Le directeur général de l’ARS aura comme mission en début 2016 de redécouper la région en territoires de santé. Il faut exiger une transparence sur la façon dont la région va être découpée. Il va falloir qu’on mette la pression en fin 2015 et début 2016 sur le DG de l’ARS sur la question : « Quel découpage de la Région en territoires de santé? »
Ce n’est pas une question mineure car la forme des territoires et leur nombre va conditionner les groupements hospitaliers de territoire.

Eux, ils parlent de répartition de l’offre de soins. En ne parlant pas des besoins, on organise une manipulation, où on donne une offre de départ (sans tenir compte d’aucun besoin) et en plus qui n’est pas discutable. Ils sont dans cette logique depuis 2009. Nous, on a intérêt à remettre au cœur la question des besoins des personnels et de la population.

La question des besoins doit être travaillée de manière pro mais également interpro. C’est comme ça qu’on va démontrer que ce qu’ils proposent ne convient pas du tout.

Dans la loi, on ne parle par de service public mais de service au public. C’est très important, les mots ont un sens. Une boulangerie réalise un service au public. Il y a une bataille à mener sur les mots.

Cette loi est vendue sur la généralisation du tiers payant qui débuterait au 1er juillet 2017. Il faut rappeler qu’au 1er semestre 2017, il y aura des élections présidentielles et législatives. Une mesure qui serait mise en place par une nouvelle majorité a tendance a atténué les effets de la mesure. Si vraiment, il y a une volonté de tenir cet engagement, pourquoi ne pas le mettre en place au 1er janvier 2017 ?

Certains socialistes ont vendu la mèche, en expliquant que les coopérations hospitalières et les groupements hospitaliers de territoires devaient générer 400 millions d’économies sur 3 ans. Ces économies viennent en plus de celles prévues. Donc, on voit bien que la raison première des GHT est de créer des économies supplémentaires.

Attention aux mots. A la CGT, nous ne sommes pas contre les coopérations. Les coopérations sont à la base de notre syndicalisme. Le « Coopérer », le « travailler ensemble » font partie de notre histoire. La différence c’est que eux ils utilisent le mot « coopérer » à la place de fusionner ou absorber. Oui, nous sommes contre les absorptions, oui, nous sommes contre le principe de fusionner. Parce que quand on fusionne, il y a 2 entités qui deviennent une.
Il ne faut pas qu’il y en a ait un qui « bouffe » l’autre ou qui spolie l’autre. A juste titre on va se battre contre ce projet de loi, à juste titre on va se battre contre les concrétisations de ce projet de loi, mais il ne faut pas que cette bataille soit, en faisant un raccourci, une opposition à la coopération. Si non, on va vite être en difficulté. Il faut qu’on porte le principe de la coopération en s’opposant au principe de la fusion. Les groupements hospitaliers de territoires, ce n’est pas coopérer, c’est faire 400 millions d’économies. Si on ne voit pas plus loin que son bout du nez, cela va créer des tensions entre syndicat CGT de différents établissements. Attention au repli sur soi, c’est surtout l’erreur à ne pas faire.

Nous devons avoir une convergence des luttes, nous sommes tous touchés, nous sommes tous citoyens et usagers du service public. Quand on fait dérailler le train, on fait dérailler la locomotive, mais les wagons suivent après.

Il faut qu’on élargisse le nombre de personnes qui comprennent ce qui se passe en leur donnant les outils. Il faut sans cesse combattre la manipulation, la désinformation, le manque de débat, l’utilisation incorrecte des mots (comme client au lieu de patient par exemple).

Le projet de loi santé en cours veut développer considérablement l’ambulatoire.
Sur l’ambulatoire, il faut à la fois combattre les projets qui se mettent en place et à la fois être compris pour pouvoir rassembler. Si on fait un sondage auprès d’usagers qui viennent à l’hôpital en chirurgie et qu’on leur demande s’il préfère rentrer chez eux ou s’ils préfèrent passer une nuit à l’hôpital, la réponse au sondage va être très massive. Evidemment que la réponse va être de dire : si je peux dormir chez moi, autant dormir chez moi. Poser comme ça, la question parait évidente.

Mais si on revient à ce qui se passe dans l’ambulatoire, la personne sort par exemple, à 18 / 19h00. En général, elle a dû confirmer qu’elle n’était pas toute seule chez elle. Ce qui, au passage, montre que ce n’est pas si simple que ça. De plus, en disant ça, elle décharge la responsabilité de l’établissement. Et elle fait porter la responsabilisé sur la personne qui est avec elle. Petit détail dont on ne parle pas tant qu’il n’y a pas de problème. Mais surtout, elle rentre, elle fait un détour par la pharmacie où elle va payer une franchise sur chaque boîte de médicament. Elle va avoir un certains nombres de produits qui ne seront pas remboursés. Et quand elle est rentrée, elle fait le marathon au téléphone entre l’infirmière libérale, le kiné. Puis quand elle fait le point, elle se rend compte qu’elle a des restes à charge. Si on leur pose la question à ce moment là, les mêmes qui aurait dit avant « personnellement, je préfère rentrer chez moi », après on n’aura peut être pas la même réponse.

Pour faire un lien avec la loi Macron, il est prévu que les CHU soient autorisés à avoir des activités lucratives et non pas des activités rémunératrices. Quand on a une cuisine ou une blanchisserie inter hospitalière et qu’on vend sa prestation à un EHPAD par exemple, on n’est pas dans une activité lucrative. Il s’agit d’une activité rémunératrice où on ne fait pas de profits. Si la loi Macron prévoit que les CHU puissent faire du profit, c’est qu’il pourra y avoir des activités sur lesquelles il gagne de l’argent. S’ils veulent ça, c’est parce que les groupements hospitaliers de territoires vont être adossés à un CHU. Et donc, les CHU vont pouvoir avoir la possibilité d’avoir des hôtels sanitaires qui sont sur le territoire ou à proximité de l’hôpital.

Si on porte l’idée d’un service d’hospitalisation publique, on tord aussi le coup à cette idée que le soin c’est que le technique, et que l’hébergement ce n’est pas du soin.

Ils ne veulent pas privatiser la sécu dans son ensemble. Eux, ce qu’ils veulent, c’est prendre le complémentaire, et que le complémentaire soit de plus en plus large.
Que l’obligatoire, le général soit toujours assuré par la sécu, mais en étant de plus en plus restreint. Et qu’on élargisse le complémentaire afin que le monde financier soit dessus.
Maintenant, toutes les banques ont un produit qui s’appelle Crédit Santé. Et quand une banque nous fait un crédit ce n’est pas pour répondre à un besoin, mais c’est pour faire un profit. Car il y a de l’argent à gagner sur cette partie complémentaire.

La CGT porte l’idée que les centres de santé sont un échelon de proximité, sont une réponse de proximité et ambulatoire. C’est important de ne pas accepter l’idée que quand on parle ambulatoire on parle forcément d’activité libérale, on parle forcément d’infirmières libérales.

Concernant les GHT (groupements Hospitaliers de Territoire) qui remplacent les CHT, ce n’est pas un simple changement de mot. On change la nature, on vient sur de l’adhésion obligatoire. Les établissements doivent conclure avant le 31 décembre 2015 (et au plus tard le 1er juillet 2016) une convention dans le cadre des GHT, en avançant sur un programme médical commun. C’est entrain de se faire en ce moment.

Un GHT ce n’est pas une structure, c’est une appellation. Ce sera certainement un mélange de trois choses : des fusions d’établissements, des directions communes, et probablement, pour chapoter l’ensemble sur le territoire, un groupement de coopérations sanitaires. Probablement, le groupement hospitalier de territoire va être un ensemble de tout ça.
L’objectif, derrière tout ça, c’est de diminuer le nombre de centre de décision. Il y a actuellement entre 97 et 100 territoires de santé. Au plan national, on a environ 1200 hôpitaux publics et un petit millier d’EHPAD publics. Globalement on a environ 2000 structures publiques sanitaires et médico-sociales. 2000 directions, 2000 conseils de surveillance, 2000 CTE, 2000 budgets. L’objectif sera d’avoir moins de 100 groupements hospitaliers de territoires. Et donc on passe de 2000 entités, budgets etc… à moins de 100.
On passera alors à moins de 100 chefs d’établissements, moins de 100 CTE…

Ce sera plus facile pour le DG d’ARS d’avoir la main mise sur les décisions. A noter aussi le rôle important des préfets de région qui sont les présidents de conseil de surveillance des ARS. Les ARS sont les fossoyeurs de la santé dans notre pays. Quand ils nous parlent de soins, nous avons l’impression d’être à Carrefour.

A noter également que diminuer le nombre d’instances, c’est diminuer le nombre d’élus du personnel dans leur logique.

Voilà un aperçu du projet de loi santé contre lequel nous devons nous mobiliser.

POUR CONSULTER NOTRE DOSSIER COMPLET SUR LES GHT (AVEC LES DIFFERENTS ARTICLES ET TRACTS), CLIQUER ICI